Les élus orléanais sont convoqués à une séance extraordinaire du conseil municipal, ce lundi 14 mars à 14 heures. Si, pour le coup, l’ordre du jour n’a rien d’extraordinaire, il s’inscrit dans une actualité brûlante. Tout d’abord celle liée au partenariat avec l’université de Zagreb (Croatie) ayant pour objectif de former une cinquantaine de médecins dès la rentrée prochaine ; ceci, alors même que le Premier ministre Jean Castex a lancé une mission d’information pour l’ouverture d’un centre hospitalier universitaire (CHU) à Orléans, que ladite mission est déjà à pied d’œuvre et surtout, comme l’a confirmé la rectrice d’Orléans-Tours, Katia Béguin, sur les réseaux sociaux, que la formation est d’ores et déjà présente sur le portail de Parcoursup.
Malgré ces annonces, le maire d’Orléans ne compte pas renoncer à son projet. Il sera donc demandé aux élus locaux de lui octroyer, ainsi qu’à son adjoint Florent Montillot, les moyens matériels pour se rendre, en délégation, à Zagreb fin mars. Leurs homologues croates devraient également faire le trajet en sens inverse dans les prochains jours. Quelle sera la position de l’opposition de gauche ? « Nous allons poser des questions sur le protocole qui unit Zagreb et Orléans, mais également sur les frais d’inscription et le principe des bourses », précise à Politica Jean-Philippe Grand, co-leader de l’opposition de gauche et écologiste. « Nous demanderons sans doute une suspension de séance et nous nous déterminerons en fonction des réponses apportées ».
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Pour Tahar Ben Chaabane, ancien élu centriste et animateur du tout nouveau collectif de soutien à la création d’un CHU à Orléans, la situation faite aux élus est a minima problématique. « Comment peuvent-ils se prononcer sur un dossier dont ils n’ont aucun élément ? Il est incompréhensible et symptomatique qu’une telle opacité entoure ce dossier ». L’ancien candidat aux municipales affirme soutenir « la formation universitaire publique dotée d’un vrai diplôme visé par le ministère de l’enseignement supérieur, au détriment du projet de Zagreb, privé et coûteux ».
Un autre point, guidé celui-ci par l’actualité géopolitique, s’invite à l’ordre du jour : celui de la situation en Europe de l’Est. Changement de nom du pont de l’Europe au profit de Pont de l’Ukraine, illumination de la façade de l’hôtel de ville aux couleurs du pays attaqué par les armées de Poutine, envoi de convois en direction de Kiev… Depuis plusieurs jours, tout est organisé par la ville d’Orléans et son édile, Serge Grouard, qui communique très largement sur sa solidarité avec les réfugiés ukrainiens. Avec ces « réfugiés », certes, mais avec les « migrants » arrivant de théâtres d’opérations comparables, beaucoup moins.
Les Ukrainiens ressuscitent la figure, typiquement européenne, du « réfugié »
Pourquoi ? Sans doute parce que l’image de ces familles ukrainiennes correspond à la bonne immigration tolérée par celui qui chronique régulièrement sur CNews, la chaîne de Vincent Bolloré, promoteur zélé du candidat Zemmour. Pour preuve, en 2015, après avoir entonné la Marseillaise à l’Assemblée nationale au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo, le même Serge Grouard avait supprimé un cinquième des subventions au Relais Orléanais, une association humanitaire locale rendue coupable de venir en aide à des migrants provenant du mauvais côté du globe. Il avait également adressé, l’année suivante, une « Lettre aux Musulmans » de France aux relents identitaires. Enfin, alors qu’il avait été élu dès le premier tour des municipales, en 2014, il avait nommé l’ultra droitier François Lagarde au poste de conseiller municipal délégué à la lutte contre l’immigration clandestine, délégation naturellement retoquée par les services de l’État. « Un réfugié est un réfugié, quelle que soit sa provenance et nous ne manquerons par de le rappeler oralement pendant le conseil », indique Jean-Philippe Grand qui avait vivement réagi à la baisse des subventions visant le Relais Orléanais.
Serge Grouard n’est pas le seul à surfer sur l’émotion provoquée par la situation ukrainienne. Près d’Orléans, dans la ville huppée d’Olivet, Matthieu Schlesinger, son nouveau camarade de jeu « Macron-compatible », vient d’utiliser les fichiers du périscolaire pour appeler parents et enfants à donner du matériel pour des convois humanitaires direction Kiev. Le même édile qui n’a pas levé le petit doigt pour s’opposer à l’implantation d’un centre de rétention administrative (CRA) sur le territoire de sa commune. Là aussi, il semble y avoir un tri entre bons réfugiés et mauvais migrants, en toute décontraction.