EDITORIAL POLITICA. « Ce qui se jouera ce 24 avril (…) sera un choix de société et même de civilisation », a déclaré Mme Le Pen le soir du premier tour. La civilisation proposée par la candidate du Rassemblement national est à l’opposé de celle qui a amené la France à devenir « la patrie des droits de l’homme », à prendre toute sa place dans la dynamique des Lumières, et à sortir de l’obscurantisme et de l’arbitraire. Elle refuse l’approche globale des problèmes, repose sur le rejet de l’autre et s’ancre sur la désignation de boucs émissaires. Elle remet en cause la vocation européenne et l’ouverture internationale de la France.
Les finances publiques infirment la démagogie sur le pouvoir d’achat
Économie, institutions, Europe… Les projets des deux finalistes de l’élection présidentielle divergent sur quantité de questions. Marine Le Pen veut « rendre l’argent aux Français » et adopte « une approche pragmatique de la dette ». Promettre aux plus précaires ce qu’ils ont envie d’entendre se traduirait par 4 points de PIB de déficit par an d’ici à 2027, soit une centaine de milliards d’euros. « Les dépenses sont systématiquement sous-évaluées et les recettes éhontément surévaluées, rendant l’ensemble pratiquement irréalisable en l’état », affirme l’Institut Montaigne (Think tank indépendant).
Pour financer son programme, il faudra par conséquent continuer à s’endetter. Et pour cela, il est indispensable de conserver la confiance des marchés afin d’obtenir des taux d’intérêt suffisamment bas pour que l’emprunt français reste soutenable, explique Stéphane Lauer dans une chronique du journal Le Monde.
Ultranationalisme et hostilité radicale à l’UE
Une large part du programme du Rassemblement national resterait, en l’état, inapplicable dans le cadre des traités européens actuels. Officiellement, Mme Le Pen plaide pour rediscuter ces textes. Mais, si elle a réussi à persuader une partie de l’électorat que la sortie de l’Union européenne (UE) n’est plus une option, les investisseurs ne sont pas dupes.
Entre la renégociation de la contribution de la France au budget de l’UE, la remise en cause de la libre circulation des biens, des services et des personnes, l’abandon du Pacte vert européen et la primauté des lois françaises sur le droit communautaire, tout indique que la France prendrait le chemin d’un « Frexit » déguisé.
Au moment où les crises se font de plus en plus violentes sous l’effet des pandémies, du réchauffement climatique, des conflits géopolitiques, la France a besoin plus que jamais de préserver son engagement européen, de sauvegarder les valeurs d’humanité et de solidarité, pour faire en sorte que de ces crises naissent des progrès.
D’ailleurs, M. Macron a profité de l’actuelle présidence française du conseil de l’Union européenne (UE) pour mettre en avant cet axe de son programme. Il propose notamment d’assurer l’autonomie énergétique de l’Europe et de renforcer les capacités des armées européennes et leur coordination.
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Marine Le Pen, plus policée sur la forme, aussi radicale sur le fond
La nation française est loin d’être parfaite mais reste un phare pour la démocratie. Sur de nombreux sujets et jusqu’à l’Histoire, les idées du Rassemblement national et de Mme Le Pen contredisent formellement ses valeurs. Pour preuve, le projet de la candidate pour l’école. Celui-ci prévoit de transformer les enseignants en « fidèles exécutants de programmes politiques » définis par le Parlement. Une situation sans précédent.
« Le catastrophisme qui consiste à dire [que] si Emmanuel Macron n’est pas réélu, le soleil s’éteindra, la mer se retirera et nous subirons une invasion de grenouilles, cela ne fonctionne plus », pondère Marine Le Pen. Laissons donc de côté les plaies d’Égypte pour nous interroger sur les conséquences pratico-pratiques de l’élection à la présidence de la candidate d’extrême droite.